mercredi 7 décembre 2011

Le Trop Grand Vide d'Alphonse Tabouret

qui prennent des risques en publiant des bd 
pas toujours "commerciales"

Résumé :
Un jour, un petit être presque insignifiant naît de la dernière pluie. Éveillé à la conscience, il découvre alors le monde sous le regard d'un gigantesque Monsieur, qui lui donne le nom -bizarre me direz-vous- d'Alphonse Tabouret. Alphonse, désormais quelqu'un, apprend à jouer, à vivre, sans que le moindre souci ne vienne entacher son horizon. Mais lorsque le gigantesque Monsieur finit par s'en aller, il se rend compte que quelque chose d'important a disparu : à qui Alphonse va-t-il pouvoir raconter ses journées, remplies de petites joies et de grands bonheurs ? Cette perspective, cette solitude, ne tardent pas à devenir insupportables. Alphonse se lance alors à la recherche de cet être qui lui manque, et parcourt le monde, avec un regard tout neuf et tout innocent, à la recherche d'un petit quelque chose qui va remplir sa vie. Dans cette quête, il va rencontrer de bien étranges personnages, tous uniques et tous très différents, incompréhensibles parfois. Mais Alphonse a beau voyager et découvrir, cela ne suffit pas. Et si la solution était l'amour ?



Merci à yugen pour m'avoir fait découvrir cet album
Et splendidement dédicacé par l'auteur, s'il vous plaît !



Sous forme d'un conte pour enfants, du récit initiatique d'un petit chose ingénu et plein d'enthousiasme, l'histoire se déroule tranquillement, sans heurts, au milieu d'un univers à la fois familier (éléments de décor, attitudes et comportement des personnages) et totalement merveilleux. Exit la réalité : les objets prennent des allures poétiques, les personnages n'ont aucune malice ni arrière pensée : ils sont ce qu'ils montrent et ce qu'ils paraissent être. Ici, tout est leçon de chose pour peu qu'on prenne la peine de s'y attarder. Notre petit héros, dont l'absence de but devient le moteur de son existence, avance résolument tout droit, sans bouder ni fuir ses expériences. Avec cette attitude, il ne peut que s'enrichir, et en aucun cas s'ennuyer.


Une forme originale...

Première surprise : le format. Pas vraiment l'image qu'on se fait d'un livre pour enfants ; d'ailleurs, si c'est un livre pour enfants, c'est un livre qu'un parent transmet à son enfant, séance de lecture après séance de lecture. Pas de découpage complexe, les illustrations et courts textes s'alternent, harmonieusement intégrés dans les pages afin de permettre de se plonger dans les images tout en « écoutant » les dialogues et les pensées des personnages qui apparaissent. Le plus souvent, les auteurs ont privilégié la simplicité graphique, et ont placé une illustration par page, sans jamais l'enfermer dans un cadre. Ils n'ont pas pour autant banni le format plus classique « BD » : certains passages offrent une séquentialité fluide et légère, que ce soit dans une même image que dessin après dessin. On peut donc aussi bien, au fil des passages, suivre des scènes d'action pleines de mouvement, admirer un beau dessin ou se plonger dans une illustration qui est comme une fenêtre ouverte sur cet univers merveilleux.



page 35 : on peut prendre l'histoire au premier degré - ou pas



Un dessin simple et attachant...
Le trait, quant à lui, est une ligne claire qui va à l'essentiel, sans détour inutile. Pas de couleur, pas de trame, pas d'aplats massifs. Les lignes semblent s'animer naturellement pour former personnages et décors. Pour autant, la limpidité du trait ne bannit pas le souci du détail ou de la case bien remplie. La forêt, par exemple, est foisonnante de petits traits qui la représentent remplies de formes et d'ombres, sans jamais pour autant la rendre obscure et effrayante. On peut dire que le dessin s'accorde au récit : à la fois très simple et compliqué, facile à lire et donnant pourtant amplement matière à réfléchir.


Au final...

Jolie histoire réconfortante et pleine d'idées, cette étrange histoire me fait irrésistiblement penser au Petit Prince de Saint Exupéry. Le héros a la même candeur de l'enfant qui découvre, et le même regard qui apprend sans dénaturer ce qu'il voit. J'apprécie tout particulièrement la poésie des jeux de mots incessants qui résultent du constant décalage entre ce que les gens attendent d'Alphonse et ce que lui comprend. Ne soyez pas sûrs-pris de cours par l'originalité pertinente de cette fable, qui s'attaque pourtant à des thèmes compliqués, et réussit à les rendre évidents, à défaut de simples. Un ouvrage tout publics, sans prétention et il faut le reconnaître pas mercantile pour un sou, mais qu'il serait vraiment dommage de ne pas découvrir et de ne pas faire partager. Loin des sirènes de la pub et du sensationnel, il mérite un vrai public. Que dire de plus ?

SIBYLLINE, CAPUCINE et Jérôme d'AVIAU, Le Trop Grand Vide d'Alphonse Tabouret, Collection Etincelle, Ankama, 2010.
 

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