Résumé : Trois jeunes actifs blasés par leur quotidien trompent leur ennui le soir dans les fêtes et dans l'alcool. Dignes représentants d'une jeunesse désabusée et incapable de se trouver des perspectives d'avenir, ils lâchent prise, sans toujours mesurer le risque qu'ils encourent de définitivement gâcher un bonheur qu'ils ont pourtant à portée de main.
Grigridédé, c'est l'histoire de trois potes, dans une province perdue au pied des montagnes. Mais c'est d'abord celle de Joey, jeune employé de boulangerie, timide, qui vit encore chez ses parents... et terriblement superstitieux. Les deux autres, ce sont Tonio, et Quentin. Fêtards, bons vivants voire gros buveurs... et dont le sens des responsabilités s'émousse au fil des bières ingurgitées. On doit reconnaître qu'ils aiment bien s'éclater, ces trois-là, comme beaucoup de jeunes dont la vie n'est pas spécialement exaltante. Quentin, surtout, s'enivre de fêtes, et n'hésite pas à tromper son ennui et sa femme dans les bras d'une régulière. Faut dire que sa passion, à Quentin, c'est la musique, et non pas les contrats d'Intérim foireux. Tonio, lui, habite un petit chalet au pied de la montagne. Il passe tous ses dimanches à faire des sculptures avec des objets de récup' ; ça l'aide à tenir le reste de la semaine, à l'usine. Tous les trois s'arrangent avec la vie, luttent contre leurs désirs et leurs insatisfactions, chacun à sa manière. Ils forment à eux trois les différentes facettes d'un même tout : Quentin l'extraverti charismatique, Tonio le bon sens stable et Joey l'ami sérieux.
En attendant que les choses bougent dans un sens ou dans l'autre, ils jouent avec les barreaux de leur prison quotidienne, le temps d'une murge, d'un pari idiot, et de quelques plans-drague sans subtilité et sans avenir. Rien n'est sérieux, là-dedans. C'est juste pour décompresser, exorciser les démons d'un frère toxico, de la solitude, du manque de reconnaissance. Et puis pour être ensembles, entre copains, sans se prendre la tête. Pour tuer le temps, quoi. Sauf que... à force de tenter le diable et de flirter avec les limites, on finit (presque) toujours par se faire rattraper par la vie. Et comment réagir, dans ces cas-là, lorsqu'on est un « adulescent » qui refuse de grandir ?
Vous me direz : qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans, le grigridédé ? Ce n'est qu'un dé à coudre, collé sur un dé. Un porte-bonheur offert par Tonio à Joey, pour le remercier. Mais c'est aussi le témoin muet des drames de l'existence, et un symbole de la vie : selon qu'il est debout ou renversé, il apporte le bonheur ou il maudit.
par ordre d'apparition : le grigridédé -mode d'emploi-, Tonio, Joey et Quentin
Le récit est simple, linéaire. L'histoire n'a rien de compliqué, au contraire : elle est remplie de vécu, de sensations familières. Mais c'est justement parce qu'elle ne met finalement en scène rien d'exceptionnel qu'elle se fraie si facilement un chemin vers nos émotions. L'auteur raconte, ne cache rien, que ce soit la crudité du job de Quentin à l'abattoir, ou les sentiments désespérés de la femme trompée. Il n'y a pas de héros, pas de personnage particulièrement brave ou parfait. Ou alors, s'il y a des héros, ce sont tous ceux qui, avec les mêmes chances et malheurs que les autres, réussissent à se tenir debout et droits dans la vie, et ainsi à trouver leur bonheur. Un peu comme le grigridédé, peut-être ?
Graphiquement, rien de spectaculaire. Le trait est clair, sans trames, sans aplats., sans foultitude de détails. Il semble échappé d'un Rotring, et presque doté d'une vie propre. Les personnages sont reconnaissables, bien que leurs traits soient en fait très simples. On croirait presque voir un journal de bord, griffonné au jour le jour. Vous l'aurez compris, ici c'est le récit qui prime sur l'image. Pas ou peu de décors, on ne s'attarde que rarement sur une planche. D'ailleurs, on peut relever l'absence totale de cases : la lecture se fait le plus naturellement du monde, de dessin en dessin, de texte en texte. Pour autant, ce n'est pas parce que le trait va à l'essentiel narratif qu'il ne sais pas traduire, avec beaucoup de pudeur, de justesse et de poésie « l'esprit » de l'histoire, tout autant qu'il raconte ce petit bout de vie. Voilà qui fait remarquablement la différence entre un énième fait de société et un beau récit sur la vie.
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