mercredi 29 septembre 2010

Il y a très longtemps, sur l'immensité blanche des neiges Inuit...


 (Merci au Comptoir de la BD pour l'image)

Résumé : Adaptation d'une légende Inuit, Nerrivik raconte l'histoire d'une belle jeune femme. En âge de se marier, elle est éprise d'un homme que son père n'approuve pas. Ce dernier souhaite la voir mariée à un grand chasseur, capable de nourrir sa famille ! Mais le cœur peut-il s'accommoder de choix qui vont à l'encontre de ses inclinations ? Une légende triste, symbolique, sans leçon mais pleine de sagesse et peut-être trop incompréhensible pour notre civilisation... Une petite partie de l'âme du peuple Inuit dans son rapport à la nature et à la vie.


Nerrivik (parfois traduite Sedna) est la déesse de la mer chez les Inuits. Comment une belle jeune femme au cœur aimant incarne-t-elle cette déesse nourricière mais glacée ? Demandons à l'homme-chien, à l'homme-caribou, à l'homme ours et surtout à l'homme-oiseau ce qu'ils en pensent... Et puis il faudrait aussi demander à Anautalik, le père de Nerrivik, chasseur courageux et indomptable. Il pense à l'avenir de sa fille, avant tout, et peut-être un peu aussi à son propre prestige ; mais la question se pose : la raison  seule est-elle un argument suffisant lorsqu'il s'agit de former un destin ? Car il est facile de ressentir que parfois aussi, la force et le courage sont insignifiants face au désespoir d'une âme.


Illustrée par un dessin élégant et épuré, qui se découpe sur des pages blanches comme la neige, égrenée au fil des pages par une narration extérieure libérée du phylactère, servie par un découpage des planches qui est un modèle de séquentialité, retranscrite dans les cases par des cadrages inhabituels, l'histoire est prenante, captivante. Pour tout dire, elle se rapproche parfois plus de l'album par la qualité de son illustration et de sa mise en page, la limpidité de son rédactionnel. On peut admirer la construction de certaines planches, qui racontent avec une intention artistique évidente. En parallèle, d'autres passages sont épurés à l'extrême. La lecture est rapide, même si le rythme narratif est serein, voire lent. Mais ce conte merveilleux pour enfants, ce conte qu'on entendrait presque murmuré à nos oreilles pendant la lecture, ce conte est empli de l'esprit du peuple dont il est issu. Ainsi, tout en côtoyant le merveilleux, des scènes du quotidien Inuit se dévoilent-elles, dans la poésie des images. La fin de l'histoire, rapprochée aux évènements de 1953 (expulsion d'un groupe d'Inuits de ses terres ancestrales par le gouvernement danois) donne un ton grave et mélancolique à l'ensemble qui correspond bien à l'une des morales du conte : certaines choses, perdues, sont regrettées, toujours.

LAMY, Thierry / ROUSSE, Ana, Nerrivik, édition Les Enfants Rouges, 2009

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