jeudi 11 février 2010

Les supers héros sont de retour ?


(merci au site officiel US du comics pour l'image)

Voici un comics comme j'aurais aimé en avoir lu plus tôt... Ça aurait peut-être changé radicalement la composition de ma bibliothèque. Nous y trouvons, servis par un dessin « classique » mais tout de même plein d'inventivité (je pense en particulier aux onomatopées), des histoires de super-héros qui oublient de tomber dans la facilité des supers-pouvoirs, avec juste ce qu'il faut de parodie du genre, et un univers à la fois bourré d'action, de stéréotypes bien rassurants et remarquable d'originalité.

L'héroïne centrale est une gamine de douze ans, rendue teigneuse par sa situation (précaire) d'orpheline SDF, et qui est à la fois inséparable de son skate et imbattable en arts martiaux. Les ninjas qui pullulent dans son quartier l'ont d'ailleurs appris à leurs dépens. Street Angel répond à tous quand il s'agit de sauver le monde : au maire, à l'ex super-héros « Afrodisiac » (ça ne s'invente pas) et même à Jésus quand il s'agit de réduire à l'impuissance de vils satanistes. Mais tout ce beau monde sait aussi l'oublier et la laisser retomber dans sa misère une fois que les situations sont réglées. Street Angel, résolument invincible et fondamentalement du côté du bien, n'en reste pas moins une pré-ado livrée à elle-même, très débrouillarde et pleine de bon sens, mais à qui la société a volé son enfance. Elle en manque cruellement de repères et d'affection. Et on peut comprendre pourquoi ! En effet, si l'ensemble de l'ouvrage est globalement bourré d'action et génialement délirant, certaines planches et réparties sont d'une noirceur et d'un cynisme frappants.
Les auteurs ne s'interdisent rien dans les scénarios : ironie, humour grinçant, failles spatio-temporelles, délires ninjas... toute une galerie de personnages complètement improbables voire incongrus côtoient des situations très réalistes du quotidien (SDF, Absentéisme au collège, faim au quotidien...). Le contraste est ainsi encore plus flagrant entre les aventures « pulp » et fantastiques de la super-héroïne et le contexte parfois misérable et terre à terre dans lesquelles elles se déroulent.
L'ensemble forme une succession de petites histoires relativement courtes (pas plus d'une trentaine de pages chacune) mais toujours choc qui à chaque fois font intervenir de nouveaux personnages. La galerie de méchants qui en découle est peuplée d'êtres, chacun représentatif d'une facette du mal incarné en l'homme (avidité, jalousie, puritanisme, duplicité, hypocrisie, stupidité...). Mais, pour autant, les auteurs ne livrent jamais de jugements manichéens (le lecteur saura cependant faire par lui-même la part des choses). D'ailleurs, si on y regarde de plus près, le mal s'en sort parfois plutôt bien... Voici qui ajoute un petit côté réaliste à l'histoire, d'ailleurs. Dans ces histoires, Street Angel et son acolyte occasionnel Bald Eagle -chauve, sans jambes, avec un seul bras et skateur- sont, avec le stéréotype « ninja », les seuls personnages récurrents. Cette absence de méchant absolu et d'histoires plus longues et plus construites empêche de percevoir Street Angel comme un personnage aux aventures réellement épiques et au caractère bien défini. Ici, elle semble plutôt suivre son instinct et réagir dans l'instant, tout comme elle vit : au jour le jour. Les auteurs ne prétendent d'ailleurs pas se conformer à un genre bien défini, et préfèrent balayer les thématiques comme les mises en page, changeant le rythme de la narration et le ton de chaque histoire (mention spéciale à la scène de combat des pages 176-177 : il fallait oser le faire) tout en gardant un indéniable style graphique qui confère une réelle unité à l'ensemble. Le tout est, il faut le dire, très réjouissant, agréable à lire et souvent moins léger qu'il n'y paraît. Que du bonheur !

Jim RUGG & Brian MARUCA, Street Angel, Editions Le Lézard Noir

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