lundi 8 février 2010

Lorsque nous irons dans l'espace...

Apprenant la visite à notre bô festival l'Angoulême de Makoto Yukimura (aargh, mais pourquoi j'ai pas pu y aller !?), ne n'ai pas pu résister à l'envie de relire l'un des plus beaux mangas de science fiction qui ait eu le bon goût de parvenir jusqu'en France : Planètes. C'est un vieux manga, me direz-vous (2005 pour le tome 4) et la générosité de l'éditeur (Génération Comics) ne va pas jusqu'à proposer encore le tome 1 à la vente... Certes, mais cela n'enlève rien à ses pléthoriques qualités ! (en toute objectivité, bien évidemment)

(merci à coinbd.com pour l'image)

2074. L'humanité s'est installée dans l'espace proche de la Terre pour exploiter les ressources spatiales. Des bases ont été installées sur la Lune, de grandes stations spatiales gravitent autour de notre planète. Mais ce regain d'activité génère aussi de très nombreux débris qui menacent la sécurité des véhicules en orbite. Aussi des équipes d'éboueurs du ciel tentent-elles de ramasser le maximum de déchets afin de rendre au vide intersidéral sa définition première. Dans ce manga de Science-Fiction remarquablement ficelé, Makoto Yukimura nous fait partager le quotidien d'une de ces équipes. Mais qu'on ne s'y trompe pas : ici, pas de grands défis, de super-pouvoirs ou de sauvetage de l'humanité... Non ; confrontés à l'espace et à une tâche sans fin, nos héros touchent du doigt les limites de leur humanité. Chaque membre de ce trio improbable de nettoyeurs du ciel peuple l'infini qui l'entoure de ses propres rêves, illusions, besoins, peurs. Et c'est bien là tout l'intérêt de l'ouvrage : prenant part dans un futur relativement proche (enfin, m'étonnerais que je le voie, tout de même) nous lisons ici des histoires de cosmonautes (normal, me direz-vous), de terroristes, de fumeurs (dans l'espace !?), de famille, de maladie. L'auteur utilise à merveille l'originalité et le dépaysement d'une société spatiale, sans en abuser, et en restant toujours plausible dans ses propos. Il n'omet pas d'ajouter par moment un petit côté comique que adoucit considérablement la dureté et la rigueur du cadre choisi. Partant de là, il explore les motivations de chacun, recherche le sens derrière le quotidien de des cosmonautes comme de leur famille terrienne. Le dessin sobre et efficace, qui allie réalisme des détails avec expressivité des personnages, est tout entier au service d'une narration plutôt intimiste de l'espace, centrée tour à tour sur chacun des héros. Le contexte politique, les péripéties du quotidien forgent des personnalités mises à nu ou soigneusement composées. Car en fin de compte, on ne trouve dans l'espace, comme partout, que ce qu'on y apporte : soi-même.
Les trois tomes suivants de cette série finie qui en comporte quatre continuent d'explorer les méandres de l'âme humaine, de l'obsession de celui qui abandonne toute humanité pour réussir à celle qui doit ré-apprivoiser son fils après une trop longue absence dans l'espace, en passant par la recherche de soi-même. Sans oublier en thème récurrent la prise en compte de l'importance que peuvent revêtir les sentiments (l'amour) face aux limites des certitudes qu'offre la science... Adossées à un scénario global bien réfléchi d'exploration spatiales et d'enjeux politiques, ces plans rapprochés privilégient l'action et le sentiment au dramatique comme vérité de l'action et sont autant de trames qui familiarisent le lecteur avec l'idée de l'espace. Il ne faut donc pas chercher de suspense insoutenable, de tragédies horribles ou de missions insurmontables. Au contraire, le rythme de narration présente les faits avec un certain fatalisme. Et si les personnages agissent de toutes leurs forces pour avancer vers leurs rêves, ils n'en expérimentent pas moins sans ménagement leurs limites. C'est ainsi que peu à peu, et certains diront que c'est là un défaut de cet excellent manga, le contexte politique et matériel de l'histoire se vide vers la fin de son importance pour basculer en conclusion sur une fable humaine et philosophique, ouverte à toutes les explorations.

Makoto YUKIMURA, Planètes, Génération Comics

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